La quatrième maison

Les souvenirs et les émotions se mélangent. Je me souviens de road-trip, d’arrêt absurdes au milieu de nulle part, avec le sourire d’imaginer l’infini et trouver une pépite au détour d’un regard. Je me souviens de la vue sur la garonne, à Toulouse, au milieu de la nuit, et de nos pieds qui touchaient presque l’eau, de son sourire en portant mon chapeau. Je me souviens hésiter à passer aux toilettes pour ne pas risquer de la réveiller et de la voir venir me rejoindre, tant j’avais besoin d’être seul. Je me souviens de films découverts et de discussions finissant dans la nuit et des rires éclatées au milieu d’un mot ou d’un regard. Je me souviens me changer sous mes draps pour qu’elle ne me voit pas nu. Je me souviens du jour où tu m’as fait récupérer Braise, et du bonheur de Blasphème qui s’est réveillée comme si elle avait quatre ans à nouveau, même si elle avait eu peur de lui au début. Je me souviens des trajets vers Paris pour déménager ton appartement petit à petit, afin de t’emmener ici. Je me souviens ne même plus avoir l’énergie d’aller faire des courses correctement, et y aller chaque jour de la semaine, tant j’oubliais des choses continuellement, tant je n’arrivais plus à rassembler mes pensées.


Je me souviens m’être rendu compte que je ne me dissolvais pas en ta présence, et que je conservais mes intérêts, mes envies, mes désirs, ces choses basiques qui semblaient impossible auparavant. Je me souviens m’être rendu compte que je n’arrivais plus à écrire tant j’étais surchargé de choses à faire, me dissolvant dans le gigantisme des tâches en attente. Je me souviens avoir découvert la mode et la photographie, avoir adoré jouer avec, et entrer dans ton univers. Je me souviens de te voir si alcoolisée les soirs qu’on ne passait pas ensemble que j’en venais quand même à devoir prendre soin de toi, tombant au sol. Je me souviens avoir eu le même crush que toi sur Méline, et je me souviens t’avoir pris dans mes bras le jour où Blasphème est morte. Je me souviens t’avoir interdit de boire dans ma bouteille d’eau tant j’étais fatigué d’être le seul à la remplir. Je me souviens de la sensation de ton corps contre le mien, et de cette certitude d’être au bon endroit, en sécurité et serein et je me souviens de faire semblant de dormir pour que tu quittes la pièce.


Je me souviens des trajets en voiture et des jeux de mots et des histoires qu’on se racontait sur les villes et les villages que l’on croisait. Je me souviens rentrer le dimanche, épuisé, et découvrir que tu t’étais levé pour cuisiner pendant trois heures, venir me caller contre toi alors que tu terminais ce cadeau. Je me souviens des vêtements que tu as offert et de celui sur lequel tu as dessiné. Je me souviens perdre petit à petit mes habits à mesure qu’ils disparaissaient dans le bordel de la chambre. Je me souviens que c’était une histoire splendide, et pour autant, si brutalement toxique sur les dernières années que j’ai fini en lambeau, à peine capable de tenir debout, craignant que les crises d’autrefois ne reviennent, voyant les signaux qu’elles étaient proches.
Je ne sais pas encore comment traduire en maison ce qu’était notre relation. Quelque chose de splendide et de délétère, quelque chose qui est mieux dans le passé, mais que je ne saurais regretter entièrement. Quelque chose qui ne saurait manquer, mais dont la nostalgie peut toujours venir gratter.


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